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« Stratégie erratique, décisions capitalistiques contestables : rien n’aura été épargné à Carrefour »

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Message par Christine RODRIGUEZ Mer 14 Fév - 11:25

Dans sa chronique, Stéphane Lauer, éditorialiste au « Monde », souligne que le plan social annoncé par l’entreprise n’est que le dernier exemple des errements qui touche le groupe, pénalisé en particulier par les choix de ses actionnaires.

LE MONDE | 12.02.2018 à 06h39 • Mis à jour le 12.02.2018 à 08h07 |  Par Stéphane Lauer  



Chronique. Le Français est parfois schizophrène, capable d’adorer ce qu’il vient de conspuer dans la minute précédente. Ces derniers jours, la grande distribution a illustré ce penchant, sorte de « Je t’aime, moi non plus » version consumériste. Résumé des épisodes.

Le 23 janvier, Alexandre Bompard, nouveau PDG de Carrefour, annonce un « plan de transformation » de son entreprise, ce qui, dans le langage patronal, rime généralement avec réduction d’effectifs. La Bourse applaudit. Une grande partie de la presse s’enthousiasme de ce sursaut tardif face à Amazon. Les syndicats, eux, se crispent et l’opinion s’inquiète des dégâts sur l’emploi.


Deux jours plus tard, Intermarché lance son opération « Les quatre semaines les moins chères de France » avec un produit d’appel choc : le pot de pâte à tartiner à – 70 %. Les quasi-émeutes dans les magasins sont commentées jusqu’à plus soif, tantôt sur le mode condescendant, tantôt sur le mode empathique, faisant mine de découvrir l’un des principaux ressorts du commerce : les promotions font vendre et les clients ne sont pas très regardants sur les ficelles qui permettent d’afficher de tels prix.


A la clé, démotivation des salariés et affaiblissement coupable du premier employeur privé français, qui a fini par désapprendre son métier de distributeur

Enfin, le lendemain, le ministre de l’agriculture, Stéphane Travert, présente son projet de loi visant à équilibrer les relations commerciales entre les distributeurs et les producteurs. Soulagement dans les chaumières : ces grandes surfaces prédatrices, qui défigurent nos villes et nos campagnes, étranglent nos agriculteurs, éliminent un à un nos petits commerces, vont être enfin mises au pas.

On le voit, les Français ne sont pas à une contradiction près. D’un côté, ils sont sensibles au sort des caissières qui sont rattrapées par l’automatisation et dont les postes sont voués à disparaître. D’un autre côté, ils critiquent ces jobs mal payés, précaires, répétitifs, n’offrant, la plupart du temps, aucune perspective de carrière.
 

Les mêmes expriment leur consternation de voir Carrefour, « fleuron » de l’économie française, en difficulté face aux géants de l’Internet, tout en fustigeant les méthodes des centrales d’achat des principales enseignes de la grande distribution face aux petits producteurs. Décidément, le « en même temps » n’a jamais été autant à la mode.

Schizophrénie


Les actionnaires de Carrefour ont aussi leur part de schizophrénie. Voilà des années qu’ils cherchent désespérément à rentabiliser leur investissement, sans parvenir à stopper la sénescence de l’entreprise. Stratégie erratique, choix de dirigeants inadaptés, décisions capitalistiques contestables : rien n’aura été épargné à l’ex-leader français de la distribution, dont le plan social qui vient d’être annoncé n’est que le dernier exemple de ces errements. A la clé, la démotivation des salariés et l’affaiblissement coupable du premier employeur privé français, qui a fini par perdre ses repères et désapprendre son métier de distributeur.

Ces derniers jours, on a beaucoup parlé des salariés, des dirigeants, mais moins des véritables patrons de l’entreprise : les détenteurs du capital. Pourtant, leur rôle est fondamental pour comprendre ce qui se trame.

Tout remonte à 2007, lorsque Bernard Arnault croit saisir une belle opportunité en s’invitant au capital de Carrefour avec le fonds d’investissement Colony. Le patron de LVMH est persuadé que les difficultés du groupe sont passagères. Un changement de management et quelques ajustements stratégiques suffiront à remettre le mastodonte sur les rails pour réaliser rapidement une confortable plus-value.


Carrefour pour M. Arnault, c’est un peu le sparadrap du capitaine Haddock

Mais c’est exactement l’inverse qui s’est passé. En 2007, l’action cotait 53 euros. Elle n’en vaut plus qu’un peu plus de 18 aujourd’hui. Désormais, Carrefour pour M. Arnault, c’est un peu le sparadrap du capitaine Haddock. Certes, l’erreur d’investissement ne met pas LVMH en péril, mais sur le plan de la réputation, la pression est forte : il ne sera pas dit que le roi mondial du luxe n’a pas su tenir une vulgaire épicerie, si importante soit-elle.

Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras

L’impatience s’est une première fois exprimée en 2011 quand les actionnaires ont obtenu la vente de Dia, la branche maxidiscompte du groupe qui représentait alors 10 % du chiffre d’affaires. On aurait pu imaginer que le produit de la cession viendrait alimenter les fonds propres de l’entreprise pour rénover les magasins ou se développer dans le commerce électronique.

Mais pour les actionnaires, un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. La vente a pour but de se verser un superdividende, grâce à une introduction en Bourse à l’issue de laquelle ils obtiennent une action Dia pour chaque titre Carrefour détenu. A peine quatre ans plus tard, Arnault et Colony revendent leurs actions Dia, dont la valeur a doublé entre-temps. L’entreprise, elle, n’a pas touché un centime.


En 2014, Carrefour débourse 645 millions d’euros pour récupérer les magasins Dia dont ses actionnaires l’avaient dépossédé trois ans plus tôt !

Aussi quelle ne fut pas la surprise lorsqu’en 2014 ces mêmes actionnaires donnent leur feu vert au rachat de 800 magasins Dia en France. Carrefour débourse ainsi 645 millions d’euros pour récupérer un réseau dont ses actionnaires l’avaient dépossédé trois ans plus tôt !

Aujourd’hui, nouveau changement de pied : M. Bompard affirme qu’il est urgent de se débarrasser de ces magasins, qui perdent de l’argent. Allez expliquer maintenant aux 2 100 salariés concernés que tout est la faute d’Amazon. En revanche, l’erreur des actionnaires ne les a pas empêchés de ponctionner avec application chaque année la moitié des bénéfices de Carrefour sous la forme de dividendes et de verser de généreux bonus aux patrons successifs.


Faire remonter le cours de Bourse

Cession d’hypermarchés à des franchisés, réduction de la taille des magasins, rationalisation du siège social : le but de M. Bompard est d’abaisser les coûts, tout en faisant disparaître les foyers de pertes. Certes, « en même temps », on annonce des investissements dans le numérique et le développement des rayons bio.
 

Mais le long terme est-il encore une préoccupation chez Carrefour ? L’urgence absolue n’est-elle pas la remontée du cours de Bourse, qui permettra aux actionnaires de se débarrasser enfin de leur sparadrap ? « Avec Carrefour, je positive », disait le slogan inventé en 1988. Trente ans plus tard, les salariés ont surtout envie de dire « je négative ».
Christine RODRIGUEZ
Christine RODRIGUEZ

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